La J-League à la conquête du monde

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Direction le pays du soleil levant tout en restant assis dans son canapé. A l’occasion de la nouvelle saison démarrée le 17 février dernier, la J-League, plus haute division du football japonais, a tout simplement révolutionné sa communication globale.

Comment ? D’abord en diffusant gratuitement jusqu’à 4 affiches par semaine sur sa chaîne YouTube, dans tous les pays où les droits de la compétition ne sont pas distribués. Le but ? Internationaliser son image.

La J-League surfe sur les belles perfs de l’équipe nationale en coupe du monde et veut faire rayonner, à travers le monde, la culture d’un pays qui fascine. Va falloir se faire une raison : bientôt, le monde du football parlera nippon !

A L’EST, DU NOUVEAU

A l’occasion de la reprise du championnat le 17 février dernier, la nouvelle tombe : « Vous l’avez demandé. On vous l’offre. Les matches de Meiji Yasuda J-League 1 seront disponibles dans le monde entier ».  Le communiqué précise « La J-League diffusera jusqu’à 4 matches par journée de championnat sur sa chaîne officielle YouTube internationale. Les particuliers vivant dans les territoires sans accord de diffusion pourront regarder les matches ». Aussi beau qu’inespéré.

Un nouveau pallier franchi pour ce tout jeune championnat (30 ans cette année), bien que l’antériorité du football japonais structuré remonte à bien plus loin, à l’époque de la Japan Soccer League (créée en 1965). Pour sa première saison, 8 clubs se présentent :

  • Toyo Kogyo (qui deviendra par la suite Mazda)
  • Mitsubishi Heavy Industries
  • Hitachi
  • Yanmar
  • Furukawa Electric
  • Nagoya Mutual Bank SC
  • Toyoda (qui deviendra Toyota)
  • Yahata Steel SC

Tous sont sous la bannière d’entreprises de l’économie nationale, tout comme c’est le cas pour les clubs du sport roi du pays, le baseball. Quant aux joueurs ? Tout simplement les employés de ces mêmes entreprises. Des joueurs au niveau amateur. Sur le tard, les meilleurs d’entre eux finiront par être payés pour ne plus jouer qu’au football. C’est ainsi qu’en 1993 naquit la J-League, avec son statut de ligue professionnelle et une (petite) prise d’indépendance des clubs vis-à-vis des entreprises.

Le Nissan FC deviendra le Yokohama Marinos, Mitsubishi donnera naissance à Urawa Red Diamonds, etc. Sur les 8 clubs de la première saison de JSL, 4 d’entre eux jouent la saison 2023 de J-League 1 (Toyo -> Sanfrecce Hiroshima, Mitsubishi -> Urawa Red Diamonds, Hitachi -> Kashiwa Reysol, Yanmar -> Cerezo Osaka).

Même si les clubs ne portent plus le nom des entreprises, ces dernières restent pour la plupart propriétaires ou majoritaires, et le lien identitaire local reste profondément ancré. Pour rester sur l’exemple de Yokohama, Nissan est sponsor principal du club depuis la première saison de J-League en 93 et n’a jamais cédé sa place.

LA HYPE MONDIAL

Le football japonais gagne en popularité d’année en année, bien aidé par plusieurs évènements : la co-organisation de la Coupe du Monde en 2002, puis le splendide sacre des Nadeshiko (l’équipe nationale féminine) à la Coupe du Monde 2011 face aux États-Unis en déployant un jeu superbe tout au long de la compétition. Ce sacre intervient 3 mois après le tsunami et l’accident nucléaire de Fukushima.

Du côté des hommes, les performances sont souvent enthousiasmantes chez les Samurai Blue. S’ils ne sont toujours pas parvenus à se hisser par-delà les huitièmes, ils ont l’habitude de s’extirper avec brio de groupes pas toujours évidents (Pays-Bas – Danemark – Cameroun en 2010, Colombie – Sénégal – Pologne en 2018). Alors qu’on leur promettait une dérouillée au Qatar, les hommes de Moriyasu sont sortis premiers du groupe E en se jouant avec brio de l’Allemagne et de l’Espagne. Ils ont tenu tête à la Croatie, vice-championne du monde.  

De plus en plus de talents japonais s’exportent. Si les amoureux des 90-2000 se souviendront sans doute d’Hidetoshi Nakata ou de Shunsuke Nakamura, on peut aussi parler de Keisuke Honda, ou plus récemment de Shinji Kagawa. Les talents d’aujourd’hui se nomment Kyogo Furuhashi (Celtic), Ritsu Doan (Fribourg) Takefusa Kubo (Real Sociedad), Daichi Kamada (Francfort), Takehiro Tomiyasu (Arsenal), Ao Tanaka (Dusseldorf) ou encore Kaoru Mitoma qui casse tout en Premier League avec Brighton. Et bien sûr, on en oublie…

Mais impossible de ne pas citer le légendaire Kazu Miura, « King » Kazu a démarré sa carrière en 86, et joue encore professionnel à 56 printemps, du côté de l’UD Oliveirense, en D2 portugaise. Le mec a ni plus ni moins inspiré le personnage de Tsubasa Ôzora, du manga éponyme, rien que ça. Parce que oui, le Japon rayonne aussi à travers les mangas : pas seulement Captain Tsubasa et ses terrains de 540 mètres, mais aussi Inazuma Eleven qui s’est fait une place dans le spot pub de Nike pour le mondial qatari. Plus récemment Ao Ashi ou encore Blue Lock, dont la base du synopsis est l’élimination du Japon en CDM 2018, sont des œuvres qui s’exportent mondialement. Les twittos puis les médias se sont régalés à consacrer le « Projet Blue Lock » pendant le beau parcours du Japon au Qatar.  

J-WORLD

Porté par les belles performances de ses équipes nationales, le Japon interpelle et l’attractivité de son championnat augmente. Jusqu’ici, la J-League restait un championnat à la communication majoritairement domestique, à l’exception d’un compte Twitter anglophone relayant les résultats de chaque journée. En dehors de l’Asie, l’accessibilité à la diffusion des matches de façon légale était inexistante pour les pays ne bénéficiant pas d’un diffuseur officiel. En Europe, l’Italie et l’Allemagne n’ont commencé à diffuser officiellement le championnat qu’après 2020.

En rouge, les pays où la J-League possède un diffuseur officiel.

Avec la diffusion gratuite de 4 matches par journée de championnat, la J-League s’installe officiellement en Belgique, en France, en Espagne, au Portugal et dans le Royaume-Uni, autres grandes terres européennes de football. Mais elle s’offre surtout une porte d’entrée colossale sur l’entièreté du continent américain où seul le Brésil diffusait des matches jusqu’ici. C’est du win-win : les gens peuvent suivre le championnat sans débourser un sou, tandis que la J-League gagne en notoriété et pourra trouver de nouveaux partenaires de diffusion si les chiffres sont au rendez-vous. Parce que la J-League possède ce potentiel pour attirer toujours plus du monde : des stades bien remplis, de belles ambiances, et… des snacks outrageusement quali.

La J-League continue de grandir et de s’imposer comme l’un des championnats majeurs du football asiatique en compagnie de la K-League et du championnat Saoudien, qui a récemment attiré un certain Cristiano Ronaldo. Si le Japon est déjà le plus grand pays de football asiatique (4 victoires en Coupe d’Asie et un Mondial féminin), sans doute qu’il peut aspirer à devenir une nation majeure du football mondial dans les prochaines décennies, où l’Asie est bien peu représentée. L’ouverture de la J-League au monde entier est sans doute un tournant majeur, encore faut-il poursuivre les efforts sur la formation, comme c’est le cas déjà depuis 20 ans.

Le vrai projet Blue Lock passera aussi par ça…

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Jessy Cencig

Cogérant et cofondateur de Line Up Team. Manager création graphique et vidéo.

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